Déclaration finale – 5e Forum européen des forces de gauche, vertes et progressistes

Nous réunissons ce 5e Forum à un moment où la coopération et la collaboration des forces vertes, progressistes et de la gauche européenne est plus nécessaire que jamais.

Durant la crise, les inégalités entre les classes sociales n’ont pas cessé de croître, la pauvreté n’a pas cessé de progresser, les revenus des travailleurs et travailleuses de baisser, le chômage et la précarité de se renforcer. Dans le même temps, les richesses se concentrent d’une manière toujours plus exacerbée dans les mains des multinationales et d’un petit nombre de milliardaires.

La réponse de la droite continue d’être de privatiser et démanteler les services publics, avec un système de soins fragilisé qui repose sur les épaules des femmes et a un coût sur leurs vies, plongeant également la planète dans l’urgence climatique, en détruisant les habitats naturels et en mettant la biodiversité en péril.

Nous sommes à un moment où c’est notre survie qui est en jeu et qui requiert une mobilisation des peuples d’Europe pour mettre en lumière la contradiction capital/vie et la lutte contre les inégalités. La lutte contre l’urgence climatique doit être placée au centre des priorités des forces de gauche, vertes et progressistes en Europe. En effet, nous amorçons la dernière décennie durant laquelle il est encore temps d’éviter la catastrophe. Nous devons donc afficher un sentiment d’urgence face à la menace réelle et de plus en plus imminente que signifie le changement climatique et le manque de coresponsabilité dans la répartition des tâches pour les soins.

Les mesures passent essentiellement par un plus grand contrôle des grandes entreprises et du secteur financier, qui reste exposé au risque climatique sans aucune supervision. Parallèlement, nous devons être coresponsables devant le fait qu’une modification inédite des modes de production, de consommation et de mobilité résultera de la plupart des changements inéluctables, et qu’elle bouleversera et transformera notre quotidien. Au regard de cette situation, nous devons défendre un modèle de transition juste tel que les coûts associés au passage vers le nouveau paradigme n’échoient pas sur les personnes percevant les plus bas revenus et que les politiques et ressources soient suffisantes pour éviter que les mesures sur le climat exacerbent les disparités sociales.

Dans notre défense d’une Europe du progrès, nous rejetons la privatisation comme mécanisme de « renforcement » du système financier et économique. Au contraire, nous considérons que c’est le moment de la régulation étatique dans certaines sphères socio-économiques, tout en rappelant que la transition climatique ne pourra atteindre ses objectifs que si elle s’attache, indissociablement, à reconstruire la souveraineté alimentaire et industrielle des Européennes et Européens, en rompant avec le modèle de la libre concurrence ultralibérale et de la maximisation de la rentabilité financière. Elle ne saura être possible que si elle replace au centre des objectifs de la construction européenne le développement social et la création d’emplois décents pour tou·tes contre les logiques de précarisation actuelle.

Les règles fiscales actuellement établies doivent être remplacées par de nouvelles qui garantissent les développements sociaux et écologiques tandis que la réorientation de tous les financements, notamment ceux de la BCE, vers ces objectifs, est donc un impératif pour lequel nous entendons mener campagne.

Nous soulignons particulièrement le rôle que doit jouer l’économie sociale dans la reconstruction européenne, parce qu’elle représente l’économie solidaire, la gestion démocratique, l’articulation des territoires et l’engagement local là où les personnes gèrent les sociétés coopératives ou d’autres formes juridiques telles que les coopératives ou les sociétés dans lesquelles les personnes salariées ont un contrôle actionnaire sur l’entreprise et la décision des actions à mener.

Plus que jamais, nous avons la preuve que la lutte pour la justice fiscale s’internationalise. Dans une économie mondialisée et de plus en plus numérisée, qui concentre davantage la richesse aux mains d’une minorité, nous devons articuler une réponse commune, à la fois au niveau mondial et européen, pour garantir que les grandes entreprises paient les impôts qui leur correspondent et éviter que les gens les plus nantis occultent leurs avoirs. De telles mesures sont nécessaires pour assurer la redistribution, le bien-être et des services sociaux en suffisance.

Dans le même temps, nous, les participant·es à ce 5e Forum, nous sommes conscient·es que dans ces circonstances l’avenir du monde est incertain, et nous exprimons notre profonde inquiétude face à une dynamique mondiale de repli nationaliste et identitaire aux contours individualistes, racistes, misogynes et xénophobes. En Europe, cette situation s’est déjà cristallisée dans des pays dirigés par des gouvernements autoritaires (dont la Pologne, la Hongrie et la Slovénie). Elle met au plus haut point en péril les libertés et les droits fondamentaux, notamment l’égalité de genre, les droits des collectifs LGBTQI+ ou la liberté de presse et académique. Nous alertons sur le risque de propagation de ces dynamiques à d’autres pays européens où progresse l’extrême droite.

En plus des conséquences sociales et économiques de la crise, l’escalade des tensions internationales accélère la course à l’armement et risque de diviser les États en blocs qui s’affronteraient militairement et économiquement, ce qui entraînerait des conséquences imprévisibles pour l’avenir de la vie sur la planète. Il est donc nécessaire pour les peuples d’Europe d’être solidaires et de lutter pour la paix, pour un système équilibré de relations internationales, dans lequel l’Union européenne et le reste des États puissants cessent d’exploiter les faiblesses des économies des pays en développement.

Dans cette perspective, nous prônons une politique de désarmement qui permette un transfert des dépenses militaires vers les dépenses sociales par une authentique coopération mutuellement avantageuse dans le domaine commercial et économique, afin d’accroître l’aide européenne aux pays en développement, ce qui permettrait de lancer un programme de coopération internationale en faveur de l’accès de tous et toutes à l’ensemble des droits humains et, ainsi, d’aider les personnes contraintes d’abandonner leur lieu de naissance, et celles qui ont été forcées et trompées par les réseaux de trafiquants, en leur assurant le droit d’asile dans le cadre du droit international garanti par la Charte fondatrice des Nations unies et dans les conventions internationales, basées sur la liberté, la justice, la solidarité, les besoins humains dans les conditions de l’ère de l’information et de la quatrième révolution industrielle.

Dans le plein respect des relations internationales basées sur la Charte des Nations unies, nous soutenons les accords internationaux qui exigent la levée immédiate du blocus que les États-Unis maintiennent contre Cuba et d’autres pays afin de mettre un terme aux politiques d’ingérence contraires au droit international. En ce sens, nous saluons le rétablissement de la démocratie en Bolivie en 2020, après un coup d’État qui a déclenché la haine, la persécution et le racisme, et nous rejetons fermement toute tentative de déstabiliser le gouvernement constitutionnel du président Luis Arce par des actions fascistes qui cherchent à détruire les grands progrès sociaux réalisés et le redressement économique du pays. Avec cela, nous soutenons l’état de droit et la démocratie, en tant qu’éléments incontournables des relations internationales.

C’est aussi pourquoi nous montrons notre inquiétude face à la situation de réduction des libertés et de répression systématique contre l’opposition qui a lieu en Turquie.

En ces temps de crise, nous, les Forces politiques, sociales et syndicales qui participons à ce 5e Forum, dans le respect de la diversité et du pluralisme que nous représentons, lançons un appel au rassemblement des forces pour relever ensemble ce défi commun, en fédérant la volonté souveraine des Peuples de toute l’Europe autour d’une action de grande envergure en défense d’une Europe progressiste sur le plan social, durable sur le plan écologique, solidaire et égalitaire, qui concilie sécurité économique et sociale et sécurité alimentaire et environnementale, dans la paix et la solidarité. En ce sens, nous exhortons à mettre un terme, de manière définitive, à la phase d’austérité en Europe, à ne pas suspendre prématurément les aides sociales et les mesures de relance destinées à pallier les effets de la Covid-19, et à prioriser les secteurs les plus vulnérables de notre société, surtout pour les femmes qui sont les plus démunies et les plus durement touchées par la pandémie.

Dès lors, nous, qui sommes réuni·es dans ce 5e Forum des forces de gauche, vertes et progressistes, exprimons notre engagement à soutenir une mobilisation populaire en défense de la reconstruction environnementale, féministe, sociale et économique de l’Europe, dans le respect de la souveraineté populaire, en fédérant nos moyens au service de la construction d’une Europe entièrement démocratique, solidaire, égalitaire et socialement avancée. Aussi, nous recommandons les propositions suivantes :

  1. Établir un modèle de construction européenne de type horizontal et solidaire. Le pluralisme et la démocratie sont fondamentaux pour les peuples et nations d’Europe. L’Europe que nous réclamons repose sur la conviction que les idées politiques et, partant, l’organisation politique de l’espace public européen doivent être bâties autour d’idéaux et d’orientations politiques, et non sur la base de frontières géographiques. Ainsi, nous pourrons défendre des propositions solides, aujourd’hui trop souvent absentes, telles que la justice fiscale, les services publics, le système public de soins et l’harmonisation des systèmes de sécurité sociale, et anticiper les défis associés au changement climatique. Nous défendons toutes les mesures prises pour une Europe de la solidarité dans le cadre de la réponse coordonnée à la pandémie et à ses effets sociaux et économiques.
  2. Éliminer le modèle d’Europe néolibérale à l’origine de la ruine de millions de personnes. S’appuyant sur le paradigme de l’austérité, il a privatisé les services publics, détricoté les progrès sociaux obtenus au cours de plusieurs décennies de luttes syndicales, sociales et politiques, foulé aux pieds la souveraineté démocratique des peuples, restreint les libertés, augmenté les inégalités entre les sexes, féminisé la pauvreté et conduit la planète au bord d’une urgence climatique, en détruisant les habitats naturels et en mettant la biodiversité en péril.

    La construction européenne doit être assurée de manière horizontale, solidaire et inclusive pour la moitié de la population européenne qui sont des femmes, ainsi qu’être respectueuse de la souveraineté populaire, de la coopération et de l’intégration des politiques structurelles entre les peuples et les nations, afin de fédérer les moyens permettant de construire une Europe entièrement démocratique, solidaire, égalitaire, progressiste sur le plan social, et indépendante au niveau de ses relations internationales.

    En conséquence, nous défendons une Europe affichant plus d’ambition sur le plan social. Comme les crises sociale et écologique sont complémentaires, et afin d’éviter une progression des inégalités et des injustices, l’Union européenne (UE) doit proposer un plan social proactif et ambitieux.

    Ce plan doit notamment être financé sur les fonds propres de l’Union, en luttant contre la fraude fiscale, en réactivant l’économie par le biais de mesures privilégiant la création d’emplois stables et non précarisés, la hausse des revenus et des politiques de protection sociale et en éliminant tous les obstacles à la négociation collective qui ont constitué un frein à l’action syndicale, et en réorientant la création monétaire de la BCE, mise sous contrôle démocratique, vers l’emploi, les services publics et la transition écologique.

  3. Nous considérons qu’il est inacceptable que les soins de santé soient liés aux ressources économiques du patient. Nous défendons des soins médicaux accessibles et gratuits, en renforçant les services publics, avec une attention spéciale portée à ceux et celles qui assurent des soins de santé universels et le travail de soin à la personne.
  4. Préparer un plan européen de défense de l’égalité de genre, pour protéger les droits humains des femmes et garantir la responsabilité conjointe du travail de soins et la répartition équitable des richesses, ainsi que la pleine inclusion des femmes à tous les niveaux de la société. De fait, une vraie démocratie ne peut exister que si les femmes vivent libres, ne subissent pas de violences sexistes, sont à égalité de droits, sans violences ni marchandisation de leur corps (maternité de substitution) et jouissent pleinement de leurs droits et maîtrise du corps par l’accès à l’avortement, ce qui creuserait la tombe du patriarcat
  5. Mettre en œuvre un plan d’action pour l’environnement destiné à freiner le réchauffement climatique dans le monde et la perte de la biodiversité, en investissant dans l’expansion des réserves naturelles, des parcs et des espaces verts ;
  6. Stimuler l’économie par le biais de mesures privilégiant la création d’emplois et mettant fin à l’écart salarial, la hausse des revenus et des politiques de protection sociale, en éliminant tous les obstacles à la négociation collective qui ont limité l’action syndicale ; cela implique de suivre les recommandations du GIEC de mobilisation des moyens financiers à hauteur de 6 % du PIB ;
  7. Exercer une réglementation stricte des marchés financiers afin d’éviter les attaques spéculatives et d’abolir les paradis fiscaux et les refuges fiscaux.
  8. En même temps, nous déclarons que nous sommes des défenseur·euses de la paix, prêt·es à enrayer l’escalade des tensions internationales qui nous conduisent vers une nouvelle guerre froide. Aussi, nous nous opposons à toute augmentation du budget militaire et nous nous distancions de l’approche militariste proposée par l’OTAN, qui constitue une grave menace pour la paix, car elle mènera à une consolidation de la course à l’armement. C’est pourquoi nous défendons que le désarmement et la diplomatie sont les meilleurs outils pour réduire les menaces à la paix. Les pays de l’UE doivent ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN).

    C’est pourquoi nous soulignons la nécessité de lancer dans la société un débat sur la notion de sécurité collective, en opposition à ceux et celles qui veulent nous entraîner dans une nouvelle guerre froide et en défense de l’idée qu’un monde plus pacifique est un monde plus sûr, un monde basé sur des règles commerciales justes et transparentes, essentielles au bien-être de tous les peuples ;

Enfin, nous, les participant·es à ce Forum, à partir de nos références de gauche, vertes et progressistes, nous appelons les forces sociales, politiques et syndicales à renforcer la collaboration et la coordination pour impulser une mobilisation populaire qui fasse reculer l’extrême droite européenne, dont les forces exploitent les craintes et les insécurités de nombreux secteurs de la société et les alimentent à coups d’idées délirantes teintées d’indifférence, de xénophobie, de racisme, de patriarcat et d’autoritarisme.

Aussi, nous annexons à cette déclaration finale du 5e Forum européen des forces de gauche, vertes et progressistes un plan d’action dont la rédaction s’appuie sur les initiatives issues des divers ateliers, débats et assemblées. Il préconise de lancer une mobilisation sociale afin que l’Europe soit aux avant-postes de la défense d’un avenir dans lequel l’ensemble des droits humains puissent être garantis à tous les êtres humains, en paix, égalité, liberté et en harmonie avec la nature :

Plan d’action

    • Promouvoir les mobilisations lors du 7 avril 2022, Journée mondiale de la santé, pour la défense du droit à la gratuité des soins de qualité qui inclut la levée des brevets pour favoriser la vaccination universelle.
    • Participer aux mobilisations convoquées par les syndicats, notamment le 1er mai 2022, pour la défense d’une meilleure protection des droits des travailleurs et travailleuses.
    • Se mobiliser pour participer au Sommet de la paix de Madrid en juin 2022 parallèlement au Sommet de l’OTAN.

 

  • Travailler ensemble pour exercer la pression politique et sociale nécessaire pour que la COP de novembre 2022 représente une réelle avancée dans la lutte contre l’urgence climatique.
  • Mener une campagne pour, d’une part, soutenir une dépense de minimum 2 % du PIB de chaque pays de l’Union européenne pour le budget de la culture, et d’autre part, instaurer un statut européen de l’artiste afin de mettre fin à leur précarité.

  • Promouvoir une campagne de lutte contre la crise de la démocratie.
  • Lancer une campagne contre la droite et l’extrême droite qui abolissent les droits acquis depuis des années par les femmes et tentent de criminaliser le féminisme.
  • Développer un travail d’analyse de l’impact de la pandémie sur les salaires et les relations de travail en Europe.


Publié à l’origine sur le site du Forum européen.

Action Plan

Originally published on the website of The European Forum.