La Conférence sur l’avenir de l’Europe : contexte et structure

La conférence sur l’avenir de l’Europe a débuté officiellement ses travaux en mai 2021. Elle devra satisfaire aux fortes ambitions que lui ont assignées les responsables des institutions de l’UE, — notamment s’ouvrir aux opinions des citoyennes et citoyens de l’Europe dans toute leur diversité.

Contexte

Quelques jours avant les dernières élections européennes en mai 2019, le président français Macron a formulé ce qui est considéré actuellement comme l’idée de départ de la conférence sur l’avenir de l’Europe : l’Europe, a-t-il dit, connaît aujourd’hui un « risque existentiel » de dislocation et il a proposé de tenir une « convention fondatrice européenne après les élections » impliquant responsables et citoyen·ne·s pour « définir la stratégie de l’Europe pour les cinq années à venir, y compris les changements de traités » qui pourraient en résulter.

Dans son discours inaugural au Parlement européen, Ursula von der Leyen, encore candidate, a souligné de même cette dimension clé d’une citoyenneté européenne à impliquer dans la préparation d’un avenir commun pour l’Europe, et elle a proposé la tenue d’une conférence sur l’avenir de l’Europe qu’elle prévoyait en 2020.

Enfin, Dubravka Šuica, vice-présidente de la Commission en charge de la démocratie et de la démographie, a évoqué dans sa « lettre d’intention » la conférence en ces termes :

« Les Européens et Européennes doivent avoir leur mot à dire sur la façon dont l’Union est gérée et sur ce qu’elle doit apporter. C’est pourquoi je crois que nous avons besoin d’une conférence sur l’avenir de l’Europe, laquelle commencera en 2020 et s’étalera sur deux ans. Elle devra impliquer les citoyennes et citoyens de tous âges de notre Union, ainsi que la société civile et les institutions européennes. Nous avons besoin d’un vaste débat, d’objectifs clairs, puis d’un suivi actif de ce sur quoi nous tomberons d’accord ». (Šuica, 2019: 4).

En dépit de ces grandes déclarations, les discussions qui ont entouré le lancement de la conférence ont été houleux du fait de désaccords concernant la présidence de la conférence, sa durée, ses missions, la composition enfin de l’assemblée plénière.

L’irruption tragique de la pandémie a modifié le calendrier de la conférence, en même temps qu’elle a rendu un tel débat sur l’avenir de l’Europe encore plus nécessaire et urgent.

Les trois institutions impliquées dans le processus ont fait des déclarations et publié des résolutions qui ont aidé à comprendre les différents points de vue, — sur la situation dans laquelle la conférence est appelée à se dérouler, sur les diverses attentes vis-à-vis de ses conclusions, et sur les freins aux demandes pouvant s’exprimer via les différents canaux de participation citoyenne.

Le Parlement européen a créé un groupe de travail associant des membres divers et publié en janvier 2020 une résolution sur la conférence. Dans celle-ci, le Parlement exprime un besoin de réforme : « … le nombre de crises importantes que l’Union européenne a subies montre que des réformes sont nécessaires dans de multiples domaines de gouvernance » (Parlement européen, 2020 : Considérant B). Et le Parlement a proposé un processus ascendant (bottom-up) pour permettre aux citoyennes et citoyens européens de se faire entendre et de contribuer (Considérant E). La résolution invite à organiser des agoras thématiques, à sélectionner de manière aléatoire les citoyen·ne·s, à créer deux agoras spécifiquement réservées aux jeunes. De manière générale, le Parlement insiste d’avoir : un processus inclusif et non prédéterminé de façon à encourager davantage la libre participation des citoyen·ne·s ; que les recommandations concrètes qui résulteront du processus délibératif soient suivies d’effet ; que ces propositions puissent se matérialiser sous la forme d’initiatives légistalives pouvant même conduire à amender les Traités ; et il appelle les deux autres institutions à « prendre le même engagement » (points 29/30 et 31).

De son côté, la Commission a publié le 22 janvier 2020 une communication sur la conférence (Commission européenne, 2020). Les ambitions exprimées dans la déclaration font également référence à un nouvel élan pour la démocratie en Europe et au besoin d’écouter les citoyennes et citoyens. Cependant, la Commission privilégie un débat plus structuré et, à cette fin, indique : « La conférence devrait graviter autour des grandes ambitions de l’UE, ainsi qu’indiqué dans les six priorités politiques de la Commission et dans le programme stratégique du Conseil européen » (2020: 2). La Commission propose également que la conférence se saisisse des problèmes démocratiques et institutionnels, en particulier du système des têtes de liste pour l’élection de la Présidence de la Commission et des listes transnationales pour les élections au Parlement européen. La Commission recommande de se servir de l’expérience accumulée dans les différents processus de dialogue structuré avec la société civile. Enfin :

« La Commission s’engage à prendre les mesures les plus efficaces, ensemble avec les autres institutions de l’UE, pour s’assurer que le débat engagé par les citoyen·ne·s nourrisse le processus politique dans l’UE » (2020: 4).

Le 20 juin 2020, le Conseil de l’UE a déposé sa résolution à son tour, alors qu’il avait déjà signalé son attachement à la conférence lors du sommet de décembre 2019. La proposition du Conseil envisage une conférence qui offrirait l’opportunité de :

« conforter la légitimité démocratique du projet européen et son bon fonctionnement, ainsi que promouvoir le soutien des citoyennes et citoyens de l’UE à nos valeurs et buts communs en leur donnant de nouvelles opportunités de s’exprimer par eux-mêmes. » (Conseil de l’UE, 2020: 2).

Le Conseil défend l’idée d’une conférence orientée vers des politiques spécifiques plutôt qu’œuvrant à une proposition générale. Pour cela, le Conseil propose que le contenu de la conférence se concentre sur quelques sujets clés, parmi lesquels ceux du programme stratégique du Conseil européen, dont l’ampleur, d’après le Conseil de l’UE, permet pleinement de traiter des sujets les plus importants, en particulier dans le contexte du Covid-19 et du processus de relance économique. Le Conseil de l’UE ajoute que, pour obtenir les meilleurs résultats, la conférence doit traiter de sujets qui se recouvrent ayant trait à la capacité de l’UE de mettre en œuvre ses politiques prioritaires telles que l’amélioration des réglementations, l’application du principe de subsidiarité et de proportionnalité, et l’application et défense de l’acquis communautaire (ensemble des droits et obligations s’appliquant de façon contraignante à tous les pays de l’UE). Dans divers paragraphes, le Conseil insiste sur le caractère pragmatique de sa vision de la conférence, par exemple :

« L’organisation de la conférence doit pouvoir s’appuyer sur quelques principes essentiels bo 1) égalité entre les institutions à tous les niveaux, 2) respect des compétences de chaque institution, 3) efficacité et évitement de toute bureaucratie non nécessaire et 4) participation effective des citoyennes et citoyens » (Conseil de l’UE, 2020: 5).

Et le Conseil a prévenu que la conférence ne devait pas entrer dans le champ de l’article 48 du Traité sur l’Union européenne (TUE) portant sur la réforme des Traités.

Enfin, le 10 mars 2021, la déclaration commune sur la conférence sur l’avenir de l’Europe établit le cadre d’engagements communs et a été signé par les président·e·s des trois institutions.

La déclaration rappelle le besoin de politiques européennes en harmonie avec les attentes citoyennes et insiste sur le fait qu

« la conférence sur l’avenir de l’Europe ouvrira un nouvel espace pour débattre avec les citoyennes et citoyens et ainsi faire face aux défis et priorités de l’Europe » (EU, 2020: 1).

L’engagement pris par la déclaration commune ne va cependant pas au-delà de « l’écoute des Européens pour « écouter les Européens et donner une suite aux recommandations émanant de la conférence » dans le plein respect des compétences de chaque institution et des principes de subsidiarité et de proportionnalité contenus dans les Traités européens. Le champ de la conférence et ses résultats sont formulés comme « … un exercice d’opinion de mode ascendant, permettant aux Européens d’exprimer leurs attentes vis-à-vis de l’Union européenne » (2020: 2). Et un processus de retour d’informations sera « garanti » afin que les idées exprimées durant la conférence soient transposées en recommandations concrètes pour les actions futures de l’UE.

Concernant les résultats, une formule de compris a été recherchée afin de ne pas interférer avec le contenu du rapport final mais néanmoins d’en déterminer le périmètre :

« Les résultats finaux de la conférence seront présentés dans un rapport qui sera adressé à la présidence conjointe. Les trois institutions examineront rapidement comment donner suite efficacement à ce rapport, chacune dans les limites de sa propre sphère de compétences et conformément aux traités. »

Comment doivent se dérouler les travaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe ?

La structure de gouvernance

Au terme de plusieurs débats portant sur l’organisation de la présidence de la conférence, un accord a été trouvé établissant une présidence collégiale qui réunit les trois institutions, impliquant la Présidence du Parlement européen, la présidence de la Commission européenne et la tête dirigeant du pays membre qui détient la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (au moment de la rédaction de cette note, le Portugal).

La direction politique des travaux de la conférence est assurée par un comité exécutif, lequel décide par consensus sur toutes les affaires touchant l’organisation de la conférence, la préparation des séances plénières et la préparation des rapports des sessions.

La composition détaillée du comité exécutif qui représente la présidence collégiale par les trois institutions est la suivante :

  • Parlement : Guy Verhofstadt, (Renew Europe, libéral); Commission : Dubravka Šuica, (vice-présidente de la Commission chargée de la démocratie et de la démographie); Conseil : Ana Paula Zacarias (représentant la présidence portugaise du Conseil).

Les autres membres du comité exécutif sont :

  • Parlement: membres de plein droit : Manfred Weber, (PPE, DE); Iratxe García (S&D, ES). Membres avec titre d’observateur: Gerolf Annemans (ID, BE); Daniel Freund (Verts/ALE, DE); Zdzisław Krasnodębski (CRE, PL) and Helmut Scholz (La Gauche, DE).
  • Conseil: Gašper Dovžan, secrétaire d’État slovène aux Affaires européennes et Clément Beaune, secrétaire d’État français chargé des Affaires européennes.[1] Il y a également 4 membres avec titre d’observateur représentant le Conseil et qui sont les ministres et secrétaires d’État ayant charge des affaires européennes dans les pays qui prendront la présidence tournante du Conseil après la France : République tchèque, Suède, Espagne et Belgique.
  • Commission: Maroš Šefčovič, vice-président chargé des relations interinstitutionelles et Věra Jourová, vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence.

Le comité exécutif est assisté dans ses tâches par un secrétariat commun composé à part égale des trois institutions qui y délèguent chacune six personnes.